La diffusion et ses mécanismes
1. INTRODUCION
Les diagrammes d’équilibre nous indiquent l’état d’équilibre d’un système dans des conditions données (température et composition chimique) ainsi que les transformations qui prennent place dans le mélange quand la température change (solidification, transformation eutectique, eutectoïde…). L’état d’équilibre d’un système correspond à son niveau d’énergie le plus bas. Les diagrammes d’équilibre ne nous donnent cependant aucune indication sur la cinétique de la réaction, c’est-à-dire la vitesse à laquelle la transformation se produit ou le temps requis pour que l’équilibre soit atteint. Au cours du refroidissement, il y a une modification continuelle de la composition de chacune des phases en équilibre l’une avec l’autre. De même, pour que les transformations à l’état solide se produisent, il doit y avoir redistribution du soluté et modification locale de la composition.
Toutes ces transformations impliquent un déplacement des atomes et ne sont possibles que par diffusion. C'est un phénomène de transport irréversible qui se traduit par la migration d'espèces chimiques dans un milieu. Sous l'effet de l'agitation thermique, on observe un déplacement des constituants des zones de forte concentration vers celles de faible concentration.
La diffusion dans les métaux constitue un chapitre important de la métallurgie physique : elle est la base même des phénomènes macroscopiques observés au terme d’un traitement thermique pour améliorer les propriétés de volume ou de surface (par un traitement de surface) et, d’une façon générale, elle contrôle l’évolution d’un matériau dès qu’interviennent le temps et la température.
2. MÉCANISMES DE DIFFUSION
La diffusion se produit grâce aux sauts successifs des atomes d'un site à un site libre voisin à travers le cristal. On parle d’autodiffusion pour le déplacement des atomes d’un élément pur ou majoritaire et d’hétérodiffusion pour le déplacement des atomes d’un soluté au sein d’un solvant. Dans tous les matériaux, l’agitation thermique et la mobilité atomique qu’elle entraîne commencent à avoir des effets perceptibles au-dessus d’une certaine fraction de la température absolue de fusion (Tf) du matériau considéré :
- T > 0,4 à 0,5 Tf pour l’autodiffusion dans les éléments purs;
- T > 0,5 à 0,7 Tf pour l’hétérodiffusion dans les solides contenant plusieurs types d’atomes.
La migration des atomes dans le réseau atomique se fait selon différents mécanismes. Deux processus principaux sont à l’origine de ces déplacements atomiques, le mécanisme lacunaire et le mécanise interstitiel.
2.1. Mécanisme lacunaire
Dans les solutions solides de substitution, la diffusion se fait par l’intermédiaire des lacunes. Un atome ne peut en effet changer de position qu’en sautant dans une lacune voisine. Cela nécessite une énergie libre GA qui est l’énergie d’activation de la diffusion ; c’est l’énergie minimale qu’un atome doit posséder pour passer dans une lacune voisine. On conçoit donc que ce mécanisme dépende étroitement du nombre de lacunes existantes.
2.2. Mécanisme interstitiel
Les atomes en solution solide d’insertion se déplacent en sautant dans une position interstitielle voisine. Il y a, en général, un grand nombre de sites interstitiels et la présence de lacunes n’est plus nécessaire.
On peut également distinguer deux autres mécanismes, soient la diffusion superficielle et la diffusion dans un joint de grains (voir la figure suivante).
Mécanismes de diffusion les plus fréquents dans un solide.
1 : Mécanisme lacunaire - 2 : mécanisme interstitiel - 3 : diffusion superficielle - 4 : diffusion dans un joint de grains.
3. LA DIFFUSION CHIMIQUE
Un mélange de composition chimique non uniforme est le siège de déplacements internes de masses qui ont pour effet de modifier les concentrations et tendent finalement à les égaliser : c’est le phénomène de diffusion chimique. Ainsi pour prendre un cas pur, si on met en présence dans un récipient clos deux gaz différents, ils diffusent l’un dans l’autre jusqu’à ce que leur mélange soit devenu homogène. L’expérience a montré que, dans les mêmes conditions (c’est-à-dire à l’intérieur d’un récipient fermé), jamais un mélange gazeux ne se sépare en ses constituants.
Effet Kirkendall / Darken
En 1942, SMIGELSKAS et KIRKENDALL ont mis pour la première fois en évidence un déplacement de fils placés à l'interface de soudure d'un couple de diffusion cuivre-laiton : c'est ce déplacement, associé à 1'inter-diffusion de deux métaux, qui est appelé effet KIRKENDALL. La première interprétation de ce phénomène a été donnée par DARKEN : le déplacement des fils met en évidence un déplacement des plans cristallins.
Le déplacement d'un plan cristallin au cours de la diffusion chimique de deux espèces A et B ne peut provenir que de l'inégalité des flux d'atomes JA et JB à travers ce plan.
Le mouvement d'un atome semble dans la plupart des métaux être le résultat d'un échange de sites entre cet atome et les lacunes du réseau. Si la diffusion a lieu par un "mécanisme lacunaire", le fait que les flux JA et JB soient différents entraîne l'existence d'un flux de lacunes JL.La figure ci-dessous est une illustration schématique décrivant les différents stades qui se produisent lors de la formation de lacunes à l'interface de deux métaux différents, A et B, en conséquence de l'effet Kirkendall induit par recuit thermique. (a) Deux métaux empilés A et B avant le recuit; Les flèches décrivent le flux des différentes espèces diffusant du métal A à B et vice versa. Formation de petits (b) et de grands (c) vides dans le métal A, en conséquence du flux de diffusion déséquilibré.
3. APPLICATIONS DE LA DIFFUSION
La diffusion a été observée au départ sur des cas simples pour comprendre les mécanismes au niveau du réseau cristallin et pour déterminer les paramètres physiques qui la caractérisent (coefficients de diffusion, énergies d’activation, facteurs de fréquence).
Aujourd’hui, les valeurs numériques propres à de nombreux systèmes (métal pur, impuretés dans un métal pur, alliages binaires, alliages ternaires, etc.) permettent de comprendre les applications possibles et existantes de ces recherches dans plusieurs domaines.
Homogénéisation. Après solidification, un alliage est rarement homogène. Un traitement d’homogénéisation (maintient à haute température à l’état solide) permet de remédier à une partie de la ségrégation dont il est le siège.
Traitement thermique. Les traitements thermiques permettent de contrôler la microstructure des alliages et certaines de leurs propriétés.
Cémentation des aciers. En faisant diffuser à la surface d’un acier doux (0,2% C) à l’état solide du carbone ou de l’azote sur une profondeur pouvant atteindre quelques millimètres, on modifie, en surface, la composition de l’acier et ses propriétés (plus grande résistance à l’usure).
Soudage ou brasage. Dans le soudage des métaux, il y a fusion du métal de base, qu’il y ait ou non métal d’apport ; dans le brasage par contre, seul le métal d’apport est porté à l’état liquide. Dans tous les cas, il y a diffusion, ce qui permet d’obtenir une liaison métallique continue entre les pièces à assembler.
Oxydation des métaux. La cinétique d’oxydation des métaux est gouvernée par la diffusion dans la couche superficielle d’oxyde : diffusion de l’oxygène vers le métal ou des ions métalliques vers la surface extérieure.
Dopage des semiconducteurs. Les propriétés électriques des semi-conducteurs varient considérablement selon le type d’éléments qui leur sont ajoutés en très faible concentration. C’est en contrôlant la diffusion des impuretés dans la matrice que l’on obtient des jonctions n-p et que l’on peut fabriquer des transistors et des circuits intégrés.
Modification chimique des verres. En faisant diffuser des ions grosse taille des les verres, on modifie les propriétés en surface : coefficient de dilatation, contraintes résiduelles de compression, résistance aux chocs thermiques accrue.
Frittage. Le frittage permet, à partir d’une poudre, d’obtenir des produits solides sans qu’il y ait fusion. Ce procédé s’applique tant aux métaux (métallurgie des poudres) qu’aux céramiques dont c’est l’une des principales méthodes de fabrication.